Autre tour de force qui le différencie des autres interprètes : son implication totale dans un rôle, aussi bien physique que mentale. Il n’est certes pas le seul acteur à avoir accompli d’étonnantes transformations pour entrer dans la peau d’un personnage. Je pense à Renée Zellwegger qui a accepté de prendre 10 kgs pour incarner « Bridget Jones », puis de les perdre et de les reprendre à nouveau. Je songe à Robert De Niro dans « Ragging Bull » et, dans le registre opposé, à Christian Bâle dans « Le machiniste », dont l’effrayante maigreur était surveillée quotidiennement par une équipe de médecins et de nutritionnistes. Bel exemple de renoncement ! Mais Adrien a fait plus fort. Pour « Le Pianiste », il a non seulement perdu 15 kgs, mais il a aussi décidé de vivre un isolement total pour mieux s’identifier à son rôle. Il a résilié le bail de son appartement, vendu sa voiture, laissé sans nouvelles ses amis et sa famille, à tel point que de nombreux fans s’inquiétaient autant de sa santé que de son état mental. Dans cette situation de solitude complète, il s’est consacré à l’interprétation des œuvres de Chopin, dévoré par la faim, meurtri au plus profond de son être par un terrible sentiment d’abandon. J’imagine son état d’esprit au moment d’entamer le tournage, en commençant par les séquences finales où son délabrement physique est le plus marqué et reprenant peu à peu de l’épaisseur musculaire et morale pour jouer les scènes initiales du film. Admirable performance et Oscar cent fois mérité !